mercredi 31 juillet 2024

L’initiation d’une femme mariée / Les bas de soie noire


Et voilà, c’est fini. Enfin, pas tout à fait, il reste un « Hall of fame » récapitulatif. Et je me réserve le droit de ponctuellement mettre à l’honneur de nouveaux films, de la firme au « fer à cheval » (Alpha France) ou d’autres compagnies, de réalisateurs déjà évoqués sur ce blog ou pas encore (Caputo ? Davy ? Payet ? Pierson ?) si je trouve suffisamment d’infos sur ceux-ci et si je considère qu’ils en valent la peine. Mais pour la vague de rééditions DVD des « grands classiques » Alpha France par Blue One, c’est terminé. Et comment mieux finir en beauté qu’avec deux des meilleurs Tranbaree ? A l’instar de Claude François, il s’est arrêté quand il commençait à s’améliorer. Sauf que contrairement au chanteur… survolté (sic) à la voix de porte qui grince, c’est de son plein gré qu’il mit un terme à ses productions pornographiques, en grande partie en raison du SIDA naissant. Deux films-sommes, aux castings pléthoriques et qui abordent de nombreux thèmes phares de la sexualité / pornographie : l’initiation, le fétichisme, le libertinage, le voyeurisme. Coup de projecteur.  

L’initiation d’une femme mariée (1983)

Avec : Cathy Ménard (Babeth), Richard Allan (Simon), Elisabeth Buré (Victoria), France Lomay (Brigitte, la tenancière du club échangiste, rôle non hard), Piotr Stanislas (le baron), Marie-Christine Chireix (Dominique, la secrétaire de Simon), Alban Ceray, Evelyne Lang, Carole Piérac, André Kay, Claude Valmont, Vic Samama, Alain L’Yle, Carole L’Yle (des échangistes), Cathy Stewart (Christiane).

L’initiation d’une femme mariée n’est pas le dernier film pornographique français tourné en 35mm. Mais c’est le dernier film X du prolifique Claude Bernard-Aubert (Burd Tranbaree) et il est considéré comme étant le dernier « grand film » du genre, signant de facto la fin de son « âge d’or » (1975-1983). Est-ce un hasard s’il est sorti la même année, en 1983 donc, que l’avènement du funeste « tournant de la rigueur » (une soi-disant « parenthèse » qui ne s’est jamais refermée depuis) ? Il peut m’arriver d’avoir l’âme « complotiste » mais oui, la pornographie ne revêtant aucun enjeu (géo)politique majeur, il s’agit d’une simple coïncidence tout juste bonne à nous faire détester davantage encore cette maudite année charnière, rien de plus. Mais revenons à nos moutons. Pour son dernier tour de piste, l’ami Burd a mis les petits plats dans les grands et s’est surpassé. Alors oui, c’est comme bien souvent avec lui du cul quasi non-stop (mais s’inscrivant toutefois dans une trame narrative) rythmé par les bandes-son de son fidèle compositeur Alain Goraguer (sous pseudo Paul Vernon), arrangeur pour Gainsbourg et Ferrat (y’a pire, non ?). Bien sûr, cet exubérant étalage de chair nue et cette suite quasi ininterrompue de coïts en tout genre pourront paraitre à certains aussi indigestes qu’un Kouglof mais il faut le voir comme une troupe faisant ses adieux à la scène lors d’une ultime représentation. L’époustouflante Cathy Ménard au regard bleu azur trouve là son plus grand rôle avec celui du Bourgeoise et… pute de Kikoïne. Elle est Babeth, une femme qui s’ennuie et peu portée sur les choses du sexe. Au grand dam de son mari Simon (Richard Allan) qui lui a une libido débordante et qui ne manque pas d’exprimer sa frustration devant cet état de fait (« La vie idéale, c’est la vie de la poêle à frire : le cul au chaud, le ventre plein et la queue dans la main de la cuisinière ! », réplique « masterclass »). Il la trompe (avec sa secrétaire, une voisine, bref, avec tout ce qui traine…), elle le suit, l’espionne et… ça l’excite. Dès lors, elle va peu à peu se laisser convaincre par son époux d’emprunter le chemin du plaisir en mettant un peu de « piment » dans leur vie sexuelle. Ces jeux les mèneront au Bois de Boulogne, où elle joue à la pute et lui au client, à une partie à trois avec une autre femme (cette infatigable travailleuse qu’est Elisabeth Buré) et jusque dans des fêtes échangistes. Une valeur quasi documentaire puisque ces lieux de débauche frénétique ont existé et existent probablement toujours. Cathy Ménard nous gratifie de sa première (seule ?) sodomie à l’écran, avec Allan, lors de la soirée masquée finale. Babeth et Simon finiront par organiser eux-mêmes des parties fines à leur domicile. On n’est jamais aussi mieux servi que par soi-même. Et puis ça évite les transports et les embouteillages…

Au bal, au bal masqué ohé, ohé...


Les bas de soie noire (1981)

Avec : Christina Schwartz (Patricia), Elisabeth Buré (Jeannette, une domestique), Claude Loir (Vincent, le riche châtelain), Guy Royer (Albert, un domestique), Richard Allan (Victor, un domestique), Dominique Saint Claire (Judith), Hélène Shirley (Elisabeth), Hubert Géral (Bernard / un domestique), Dominique Aveline (Bertrand), Cathy Stewart (Julie, une domestique), Nadine Roussial (Françoise, l’amie de Bertrand), Gabriel Pontello (Jean-Louis), Mika Barthel, Laura Clair, Cyril Val et Piotr Stanislas (les invités).

Autre super-production, aux casting et décors luxueux, Les bas de soie noire est également un classique du genre par la multitude de thèmes qu’il brasse : l’initiation sexuelle d’une jeune femme, le fétichisme (lié aux bas de soie noire, comme l’indique le titre), le voyeurisme, le libertinage, les domestiques… Et influent avec ça, la leçon sera retenue par Jean Rollin et Marc Dorcel pour leur Parfum de Mathilde de 1994 tourné en vidéo (avec Draghixa et Julia Chanel). La jeune Patricia (Christina Schwartz) arrive au château de Vincent (Claude Loir), chargé par la mère de celle-ci de parfaire l’éducation de sa fille. Les domestiques mettront « la main à la pâte ». Parallèlement, le château accueille des couples pour des soirées libertines où les bas de soie noire sont mis à l’honneur. Patricia sera dans un premier temps voyeuse, grâce aux miroirs sans tain et trous dans les murs, avant de participer elle-même à ces ébats. Le casting est pléthorique, en dehors de Marilyn Jess, Alban Ceray et Jean-Pierre Armand (qui sont plutôt « Team Kikoïne »), « ils sont venus, ils sont tous là » : Buré, Saint Claire, Shirley, Stewart, Roussial, Barthel, Clair chez les dames (le charme français dans toute sa splendeur), Allan, Royer, Aveline, Pontello, Géral, Stanislas, Val chez les messieurs. Thèmes aidants, il y a un peu plus de mise en ambiance érotique que d’habitude et la bande-son offre une belle alternance entre mélopées au piano et jams guitaristiques ou séquences reggae plus enjouées. Parmi les scènes notables, celle où Schwartz se voit offrir pour le petit-déjeuner… trois queues (Allan, Royer et Géral). Il faut bien que le « métier » rentre, c’est en forgeant qu’on devient forgeronne… Et la double pénétration de Mika par Géral et Stanislas. Cette dernière illumine l’écran de sa sensualité et sa féminité explosive, de même que Dominique Saint Claire. Nadine Roussial se fait un peu prier au début (« Je ne suis pas fétichiste ») avant de « les vouloir tous ». Et tout finit comme à chaque fois ou presque par une partouze réunissant aussi bien invité(e)s que domestiques. La caméra de Tranbaree papillonne de « fleurs en fleurs », en plan rapproché, dans un maelström sonore où s’entrechoquent tous les thèmes musicaux. Encore de la belle ouvrage.



En résumé, en conclusion, deux « masterpieces » de Tranbaree et du X français, à posséder absolument.

samedi 27 juillet 2024

Je suis à prendre / Parties fines


Deux des films, sinon les films, les plus emblématiques de la carrière hard de Brigitte Lahaie, dont son préféré (Je suis à prendre) et même de tout le porno français sur un même DVD ! De quoi se réjouir ? N’allons pas si vite en besogne. Il est vrai que rarement films X auront fait preuve d’autant d’ambition (Frédéric Lansac est hors concours) et auront été réalisés et photographiés avec autant de soin. Mais cela suffit-il ? C’est ce que nous allons voir.

Je suis à prendre (1978)

Avec : Brigitte Lahaie (Hélène), Patrice Cuny (Bertrand), Karine Gambier (Maguy, la bonne), Jean-Pierre Armand (Hector, le palefrenier), Robert Leray (Ralph, le majordome), Lydie, Sophie Bulle, Geneviève Hue, Christel Lauris, Dominique Aveline, Toni Morena, Gérard Grégory (les membres du club « Le cheval fou »).

Je suis à prendre, le grand classique de Francis Leroi, voit cet iconoclaste frondeur tenter un ambitieux pari esthétique, tout en poursuivant sa critique acerbe de la société bourgeoise et catholique. Hélène (Brigitte Lahaie) se marie avec Bertrand, un riche châtelain (Patrice Cuny… un nom prédestiné 😂). C’est l’amour fou mais une fois au château, Bertrand s’absente régulièrement pour se rendre… dans un club libertin. Sans avoir oublié au préalable de demander à ses domestiques (Karine Gambier, Robert Leray et Jean-Pierre Armand) de servir quotidiennement à son épouse un verre de lait… mélangé à un puissant aphrodisiaque. Dès lors, Hélène est victime de violentes pulsions sexuelles auxquelles lesdits domestiques sont ravis de répondre. Bertrand pourra alors présenter Hélène aux membres de son club et tout ce petit monde partouzera dans la joie et l’allégresse.

Leroi dynamite l’institution du mariage en la confrontant à la débauche du libertinage. Comme dit plus haut, le film fait preuve d’un grand professionnalisme et d’une grande richesse formelle. La bande-son est adéquate avec notamment des violons grinçants (j’en ai entendu de semblables dans un Resnais, si ma mémoire ne me joue pas des tours…) et les scènes sexuelles sont tournées dans un silence tout juste perturbé par des râles discrets, ce qui accentue leur réalisme (cela change des Kikoïne…). Malheureusement, celles-ci sont peu excitantes, en particulier celles avec le septuagénaire Robert Leray, dont les pénétrations me semblent simulées (pas de gros plan). Restent la fameuse scène où Brigitte et Jean-Pierre Armand baisent sur les feuilles mortes à proximité de leurs chevaux ou les interventions de la toujours plantureuse blonde platine Karine Gambier dans l’un de ses meilleurs rôles. D’autre part, le film manque un peu de rythme à mon goût. Bref, si je loue l’effort sur la mise en scène, les aspects esthétiques, le jeu des comédiens et le scénario, je n’ai pas trouvé ce film si transcendant. Leroi a fait bien plus audacieux et je reste donc sur mon tiercé Couples voyeurs et fesseurs / Les petites filles / La servante perverse.

Qu'est-ce que je vais pouvoir faire de ça...


Parties fines (1977)

Avec : Maude Carolle (Alice, la bonne), Brigitte Lahaie (Solange), Patrice Chéron (Pierre), Jacques Gatteau (Jean, l’accordéoniste malvoyant), Alban Ceray (M. Finch), Sylvie Dessartre (Miléna), Guy Royer (Hector, le chauffeur), Michèle d'Agro (Greta, l’auto-stoppeuse), Richard Bigotini (un promeneur, rôle non hard), Chantal Juin (Alice âgée, rôle non hard).

Tourné chez… Monsieur « si on n’a pas de Rolex à 50 ans, c’est qu’on a raté sa vie » (l’horripilant Jacques Séguéla), Parties fines (ou Indécences 1930) est le premier film porno réalisé par Gérard Kikoïne, après qu’il en ait monté plusieurs pour Frédéric Lansac ou Michel Barny. Et pour un coup d’essai, ça a tout du coup de maître. Alice (Maude Carolle), se remémore son passé de bonne chez M. Pierre (Patrice Chéron, doublé pour le hard hors cunnilingus) et Mme Solange (Brigitte Lahaie, brune). L’action se déroule en 1930 (d’où le titre). Ce couple bourgeois cache bien des secrets. Monsieur a des penchants sadomasochistes avec sa maîtresse Miléna (superbe Sylvie Dessartre) tandis que Madame ne rechigne pas aux plaisirs onanistes, ce qui est aussi le cas d’Alice quand elle ne s’active pas sur le chauffeur Hector (Guy Royer). Un jour, Pierre prétexte un dîner d’affaires pour rejoindre Miléna. Pendant son absence, Alice reçoit son frère Jean, un accordéoniste quasi aveugle (Jacques Gatteau), accompagné de l’énigmatique Monsieur Finch (Alban Ceray). Ce dernier, qui a une dent contre les gens de la « haute » et le sexe opposé, va très vite se montrer entreprenant avec la gent féminine et plutôt menaçant vis-à-vis de cette pauvre Solange qu’il humiliera à maintes reprises : elle va passer un sale quart d’heure…

Pour son premier hard, « Kiko » se laisse aller à toutes les obscénités langagières et tous les écarts comportementaux (introductions diverses et variées, dont doigts et même rognons, scènes sadomaso…) et c’est… jubilatoire. Le film joue sur différents niveaux (sexuel, social) de domination / soumission : Chéron se fait rabaisser et traiter comme un chien (dans tous les sens du terme) à sa demande par sa maîtresse tandis que Lahaie subira les outrages des invités-surprises et de sa bonne (sodomie - doublée, of course -, ingurgitation de rognon préalablement introduit dans son vagin…). Et les rôles sont inversés, renversés, Chéron échangeant son poste avec son chauffeur et Lahaie prenant la place de sa bonne sous les ordres de Ceray. Le casting est parfait, avec des comédiens sans doute tout heureux d’interpréter de vrais personnages : Maude Carolle, à la gouaille toute « titi parisienne », Gatteau en accordéoniste à la vision plus que trouble, Brigitte en bourgeoise guindée qui finira par se dérider sous les « coups de boutoir » de Ceray (qui mieux que lui pour incarner ce mélange naturel d’élégance et d’autorité ?). La musique est parfaitement raccord avec l’époque et l’ambiance (musette, french cancan). Dommage qu’après deux ou trois autres films dans cette veine satirique avec scénarios assez élaborés (dont l’excellent L’infirmière), Kikoïne fera preuve de moins d’exigence et se dirigera vers une pornographie plus tournée vers « l’entertainment » pur, privilégiant la forme au fond, même s’il sut aussi exceller dans ce domaine.

Allez, assez rigolé, passons aux choses sérieuses...

lundi 22 juillet 2024

Interview carrière : Gérard Kikoïne

Ah, « Kiko », on l’écouterait pendant des heures, tant la passion et l’humour transpirent de ses interviews. Bon, une seule suffira pour passer en revue sa carrière, du montage son (sa formation initiale) jusqu’à la direction d’acteurs de la trempe d’Oliver Reed, Anthony Perkins ou Donald Pleasence, en passant bien évidemment par ses « films d’amour » (comme il les appelle) et même une pub pour Bonux avec Maïté (!) et un épisode du Commissaire Moulin. Une vie de rêve(s) et d’aventures, en somme, que ce témoin (et acteur) d’une époque hélas révolue relate avec sa bonne humeur habituelle pour Bis Not Dead, que l’on remerciera à nouveau après l’interview qu’ils avaient déjà réalisé avec Michel Barny, sur le même format.