Vous souvenez-vous de cette
publicité, à vue de nez de la fin des années 90 ou du début des années 2000,
d’un opérateur téléphonique me semble-t-il (Orange ?), où un gus devant un
coucher du soleil en appelle un autre à l’autre bout du monde en lui demandant
« Tu l’as ? » et l’autre de répondre « Je
l’ai » ? Bon, ben voilà, moi aussi… « je l’ai ». Enfin, pas
le coucher du soleil, dont je n’ai rien à carrer mais le Kikobook de Gérard
Kikoïne. Cent balles plus le port, commandé directement à l’éditeur Les éditions de l'œil et signé par le « Maître » himself (et aussi par
Alban Ceray). Reçu ce 17 avril 2025, en même temps, hasard des livraisons, que
le CD John Barleycorn Must Die (1970) de l’excellent groupe de rock anglais
Traffic et lu d’une seule traite. Une bien belle journée simplement gâchée par
la découverte, en fin d’après-midi, d’un… petit lézard dans ma chambre (je suis
pourtant au troisième étage d’un immeuble en milieu urbain et ce n’est pas
encore l’été…) ! Que j’aspira aussitôt à l’aide… d’un aspirateur
(logique). Appareil électroménager me ramenant illico à la fameuse scène de
Chaudes adolescentes où Sophie Duflot en détourne l’utilité première pour se
donner un peu de plaisir. Comme quoi, tout se tient…
Alors, que dire de cette somme
présentant en couverture le visage de la sublimissime Jane Baker (je crois bien
que c’est elle) en pleine extase ? 360 pages, dont bien la moitié composée
de photos d’archives du réalisateur. J’ai bien noté trois-quatre
« coquilles » ou erreurs orthographiques (« La clinique des
fantsames », « touT les acteurs », « RoyanT »…) mais
ce n’est rien comparé au Marilyn Jess, les films de culte, qui en est bourré
(sic). Le travail a été bien fait. A ce prix-là, encore heureux…
Gérard Kikoïne nous raconte donc
son histoire, de sa jeunesse (lors de laquelle il vit un nombre conséquent de
films en salles, des chefs-d’œuvre comme des « nanars ») à son
parcours de monteur (son puis image) et de réalisateur. Une vie consacrée au
cinéma (et aussi au cul, quand même) et un parcours tout tracé. C’est que chez
les Kikoïne, on est dans le cinoche de père en fils (et même en fille puisque
la fille de Gérard, Elsa, est actrice). Sans remettre en cause son talent ni la
colossale somme de travail qu’il a dû déployer dans ses différentes activités
(oui, même un « boulard », c’est du boulot, surtout quand on fait
bien les choses comme lui), c’est tout de même plus facile quand son propre
père (Léon) est lui-même monteur et vous transmet ses connaissances et son
outil de travail. L’histoire est désormais connue : remontage du Napoléon
d’Abel Gance, arrivée progressive de l’érotisme (Jess Franco) puis du
« hard » (première expérience dans le genre avec Le sexe qui parle de
Frédéric Lansac), passage à la réalisation, d’abord avec le « soft »
L’amour à la bouche en 1974 avant d’enchainer avec près d’une trentaine de
« films d’amour » (comme il se plait à les appeler) entre 1977 et
1982. Il sera temps ensuite de passer à autre chose : pubs, films
institutionnels, épisode du Commissaire Moulin et surtout, une poignée de films
« bis » avec des « pointures » telles Oliver Reed (Dragonard),
Robert Vaughn, John Carradine et Donald Pleasence (L’emmuré vivant) ou encore Anthony
Perkins (Docteur Jekyll et M. Hyde).
Mais ce qui nous intéresse
(enfin, moi en tous cas), c’est le cul. C’est pour ça qu’on est là, non ?
Donc « Kiko » nous montre « l’envers du décor ». Du cadrage
à la « fausse éjac », du découpage aux anecdotes de tournage, vous
saurez (presque) tout sur la réalisation de ces objets (pas forcément obscurs)
de désir que sont les films pornos de cet « âge d’or » dont il signa
quelques-uns des plus beaux spécimens. Je suis toujours « sur le
cul » devant les aptitudes de ces messieurs dames (enfin, surtout messieurs).
Imaginez le niveau d’exhibitionnisme, de lâcher prise, de concentration, de maitrise de ses émotions qu’il
faut pour être « performant » quand un caméraman se place sur un
tabouret derrière vous pendant que madame vous fait une petite gâterie ou bien
quand il est allongé sous vous pendant que vous prenez votre partenaire en
levrette… Le tout avec tout un staff autour (chef op’, assistants, etc…) et un
réalisateur qui vous donne des consignes… Quand bien même les techniciens sont
des potes et les actrices bandantes comme pas possible, chapeau bas !
Surtout que « Gégé » est particulièrement connu pour ses angles de
prises de vue pour le moins audacieux (plans cassés, en contre-plongée, gros
plans…), lui qui prenait le X comme un terrain de jeu et d’expérimentations.
On trouve également dans ce
bouquin des hommages du réalisateur à ses égéries féminines (Marilyn Jess
bien évidemment mais aussi Jane Baker, Olinka, Julia Perrin, Sophie Duflot,
Cathy Ménard ou encore Monique Carrère mais étrangement pas la brune délurée
Mika Barthel, qu’il se contente de citer et qui ne bénéficie pas de page
spéciale) et à ses « mousquetaires » (les incontournables Alban
Ceray, Richard Allan, Jean-Pierre Armand et Dominique Aveline, sans oublier
Jack Gatteau). On apprend notamment qu’il s’est « tapé » Cathy
Stewart quand il avait 26 ans et elle dix de moins, le saligaud ! Mais c’était
quand elle vendait des glaces à Royan, quelques années avant qu’il ne la
retrouve par hasard sur un plateau de Michel Barny et qu’il ne l’engage dans
quelques-uns de ses films. Il serait étonnant que Marilyn Jess (et d’autres) ne
soit pas aussi passée entre ses bras. Enfin, la fiche technique de ses films
pornos renseigne sur le score de chacun au box-office, qui tourne en moyenne
aux alentours de 150 000 à 200 000 entrées (des chiffres qui satisferaient même
certains « tradis » d’aujourd’hui !), avec même une pointe à 368
000 pour Bourgeoise et… pute, effectivement l’une de ses plus grandes
réussites.
Entrez dans un monde (hélas
révolu) d’hédonisme, de bonne humeur, de fête (mais aussi de travail et de
sérieux), de naturalisme (« Nous étions des naturalistes. Aujourd’hui, ce
sont des extrémistes hygiénistes ! »), de fidélité (toujours la même
équipe – Gérard Loubeau, Jean-Jacques Renon, Pitof,
Pierre B. Reinhardt…–, gage d’efficacité), de transmission (« Kiko » a
mis un point d’honneur à former bon nombre de monteurs, qui ont tous fait
carrière depuis) et surtout… de plaisir(s) !