vendredi 18 avril 2025

Kikobook

Vous souvenez-vous de cette publicité, à vue de nez de la fin des années 90 ou du début des années 2000, d’un opérateur téléphonique me semble-t-il (Orange ?), où un gus devant un coucher du soleil en appelle un autre à l’autre bout du monde en lui demandant « Tu l’as ? » et l’autre de répondre « Je l’ai » ? Bon, ben voilà, moi aussi… « je l’ai ». Enfin, pas le coucher du soleil, dont je n’ai rien à carrer mais le Kikobook de Gérard Kikoïne. Cent balles plus le port, commandé directement à l’éditeur Les éditions de l'œil et signé par le « Maître » himself (et aussi par Alban Ceray). Reçu ce 17 avril 2025, en même temps, hasard des livraisons, que le CD John Barleycorn Must Die (1970) de l’excellent groupe de rock anglais Traffic et lu d’une seule traite. Une bien belle journée simplement gâchée par la découverte, en fin d’après-midi, d’un… petit lézard dans ma chambre (je suis pourtant au troisième étage d’un immeuble en milieu urbain et ce n’est pas encore l’été…) ! Que j’aspira aussitôt à l’aide… d’un aspirateur (logique). Appareil électroménager me ramenant illico à la fameuse scène de Chaudes adolescentes où Sophie Duflot en détourne l’utilité première pour se donner un peu de plaisir. Comme quoi, tout se tient…

Gérard et son Hot d'or

Alors, que dire de cette somme présentant en couverture le visage de la sublimissime Jane Baker (je crois bien que c’est elle) en pleine extase ? 360 pages, dont bien la moitié composée de photos d’archives du réalisateur. J’ai bien noté trois-quatre « coquilles » ou erreurs orthographiques (« La clinique des fantsames », « touT les acteurs », « RoyanT »…) mais ce n’est rien comparé au Marilyn Jess, les films de culte, qui en est bourré (sic). Le travail a été bien fait. A ce prix-là, encore heureux…

Gérard Kikoïne nous raconte donc son histoire, de sa jeunesse (lors de laquelle il vit un nombre conséquent de films en salles, des chefs-d’œuvre comme des « nanars ») à son parcours de monteur (son puis image) et de réalisateur. Une vie consacrée au cinéma (et aussi au cul, quand même) et un parcours tout tracé. C’est que chez les Kikoïne, on est dans le cinoche de père en fils (et même en fille puisque la fille de Gérard, Elsa, est actrice). Sans remettre en cause son talent ni la colossale somme de travail qu’il a dû déployer dans ses différentes activités (oui, même un « boulard », c’est du boulot, surtout quand on fait bien les choses comme lui), c’est tout de même plus facile quand son propre père (Léon) est lui-même monteur et vous transmet ses connaissances et son outil de travail. L’histoire est désormais connue : remontage du Napoléon d’Abel Gance, arrivée progressive de l’érotisme (Jess Franco) puis du « hard » (première expérience dans le genre avec Le sexe qui parle de Frédéric Lansac), passage à la réalisation, d’abord avec le « soft » L’amour à la bouche en 1974 avant d’enchainer avec près d’une trentaine de « films d’amour » (comme il se plait à les appeler) entre 1977 et 1982. Il sera temps ensuite de passer à autre chose : pubs, films institutionnels, épisode du Commissaire Moulin et surtout, une poignée de films « bis » avec des « pointures » telles Oliver Reed (Dragonard), Robert Vaughn, John Carradine et Donald Pleasence (L’emmuré vivant) ou encore Anthony Perkins (Docteur Jekyll et M. Hyde).

Acrobaties en tous genres...

Mais ce qui nous intéresse (enfin, moi en tous cas), c’est le cul. C’est pour ça qu’on est là, non ? Donc « Kiko » nous montre « l’envers du décor ». Du cadrage à la « fausse éjac », du découpage aux anecdotes de tournage, vous saurez (presque) tout sur la réalisation de ces objets (pas forcément obscurs) de désir que sont les films pornos de cet « âge d’or » dont il signa quelques-uns des plus beaux spécimens. Je suis toujours « sur le cul » devant les aptitudes de ces messieurs dames (enfin, surtout messieurs). Imaginez le niveau d’exhibitionnisme, de lâcher prise, de concentration, de maitrise de ses émotions qu’il faut pour être « performant » quand un caméraman se place sur un tabouret derrière vous pendant que madame vous fait une petite gâterie ou bien quand il est allongé sous vous pendant que vous prenez votre partenaire en levrette… Le tout avec tout un staff autour (chef op’, assistants, etc…) et un réalisateur qui vous donne des consignes… Quand bien même les techniciens sont des potes et les actrices bandantes comme pas possible, chapeau bas ! Surtout que « Gégé » est particulièrement connu pour ses angles de prises de vue pour le moins audacieux (plans cassés, en contre-plongée, gros plans…), lui qui prenait le X comme un terrain de jeu et d’expérimentations.

On trouve également dans ce bouquin des hommages du réalisateur à ses égéries féminines (Marilyn Jess bien évidemment mais aussi Jane Baker, Olinka, Julia Perrin, Sophie Duflot, Cathy Ménard ou encore Monique Carrère mais étrangement pas la brune délurée Mika Barthel, qu’il se contente de citer et qui ne bénéficie pas de page spéciale) et à ses « mousquetaires » (les incontournables Alban Ceray, Richard Allan, Jean-Pierre Armand et Dominique Aveline, sans oublier Jack Gatteau). On apprend notamment qu’il s’est « tapé » Cathy Stewart quand il avait 26 ans et elle dix de moins, le saligaud ! Mais c’était quand elle vendait des glaces à Royan, quelques années avant qu’il ne la retrouve par hasard sur un plateau de Michel Barny et qu’il ne l’engage dans quelques-uns de ses films. Il serait étonnant que Marilyn Jess (et d’autres) ne soit pas aussi passée entre ses bras. Enfin, la fiche technique de ses films pornos renseigne sur le score de chacun au box-office, qui tourne en moyenne aux alentours de 150 000 à 200 000 entrées (des chiffres qui satisferaient même certains « tradis » d’aujourd’hui !), avec même une pointe à 368 000 pour Bourgeoise et… pute, effectivement l’une de ses plus grandes réussites.

Scène de gangbang sur le tournage de Maison de plaisir

Entrez dans un monde (hélas révolu) d’hédonisme, de bonne humeur, de fête (mais aussi de travail et de sérieux), de naturalisme (« Nous étions des naturalistes. Aujourd’hui, ce sont des extrémistes hygiénistes ! »), de fidélité (toujours la même équipe Gérard Loubeau, Jean-Jacques Renon, Pitof, Pierre B. Reinhardt…–, gage d’efficacité), de transmission (« Kiko » a mis un point d’honneur à former bon nombre de monteurs, qui ont tous fait carrière depuis) et surtout… de plaisir(s) !

Une vie comme celle-là, on pourrait même fixer la retraite à 80 balais, y’aurait pas d’lézard !